mercredi 18 juillet 2012

La Pinasse, un bateau mythique

Comment se construisaient les pinasses d'antan ? 

Jean-Michel CAYE, expert maritime à Lège et ancien charpentier de marine nous confie ses secret, un témoignage unique en son genre...

La Pinasse est un navire en bois de construction traditionnelle, légère et typique au Bassin d’Arcachon.

Coque plate à bouchains vifs construite à l’endroit sur chantier.
Avec le temps et le progrès, à ce jour, sa propulsion est générée par un moteur in-bord installé au milieu du navire avec un arbre de couche sur paliers et porte hélice sur une crémaillère ou inséré dans un tube étambot.
A l’origine, La Pinasse était une embarcation à voile ou à l’aviron.



La quille, l’étrave et l’étambot sont des éléments structurels longitudinaux de base d’un navire en bois.
Ces pièces étaient débitées et délignées de billes de bois à l’épaisseur voulue dans le chantier de construction.
A l’époque, les chantiers étaient équipés de métiers à grumes qui leurs permettaient de choisir des billes bois tors ou droits afin de débiter et déligner des pièces dans le fil du bois à la forme de la pièce à construire.
La pièce d’étrave est d’un seul morceau chantourné avec deux râblures entaillées à l’angle et épaisseur variables pour l’application des bordés de fonds et les extrémités des bordés de murailles.
Celle-ci est liée à la quille par une pièce intérieure boulonnée sur les deux éléments et appelée « marsouin », qui est appliqué en sifflet sur la pièce d’étrave et la quille. L’étanchéité à la hauteur des râblures se fait par des coupe-eaux perpendiculaires (chevilles rondes insérées au travers des pièces de bois en fond de râblure pour éviter les infiltrations d’eau entre les applications.)
La quille est généralement en deux parties avec un écart de liaison ou (enture) en oblique appelé ‘’trait de Jupiter’’ et boulonné verticalement avec deux boulons en acier galvanisés (le trait de Jupiter est une enture et Z).
Les râblures se profilent jusqu’à l’arrière avec un angle constant perpendiculaire au premier bordé de fond, appelé « galbord ».
Sur la pinasse à crémaillère, la pièce d’étambot est constituée d’un tunnel dont l’épaisseur extérieure est parallèle à la quille, dans lequel la transmission (arbre porte hélice) peut être manipulé en montée ou descente, principe typique aux ‘’PINASSES’’ et certains ‘’BATEAUX BACS’’.
Sur les pinasses à talon, l’arbre porte hélice est fixe, inséré dans un tube étambot en application extérieure sur un massif de bois perpendiculaire.
La base du talon forme éventuellement un bénitier sur lequel se fixe une crapaudine qui supporte le safran par un pivot dans l’axe de la mèche.
L’allonge d’étambot est identique à la pièce d’étrave.
Sa liaison sous la quille se fait sur une pinasse à crémaillère par un assemblage inséré dans les flasques du puits à crémaillère.
Sur une pinasse à talon, l’assemblage peut être identique à la pièce d’étrave en tenant compte du passage et de la fixation du tube de jaumière.
Les râblures se profilent jusqu’au haut des bordés.
A la construction, l’ensemble constitué de la quille, étrave et étambot est assemblé et installé de niveau sur un chantier appelé ‘’tin’’.


Divers couples en bois brut sont construits à la forme voulue (selon le plan), positionnés et fixés sur la quille, alignés, structurés et fixés par des pièces de bois au plafond ou à la structure du bâtiment.
Les quilles d’angles en chêne ployé et chantourné sont débitées, tracées, feuillurées aux angles déterminées pour recevoir l’application de la liaison des bordés de fonds et de murailles.
Les entures sont à mi-bois et rivetées en cuivre.
Les emplacements des membrures ployées et définis sur les quilles d’angles, et éventuellement sur la quille (selon les principes de constructions), des entailles arrondies sont réalisées dans les quilles d’angles en prévision de recevoir l’application des membrures ployées en angles. 
A l’avant et l’arrière, des demis-couples, appelés ‘’pieds droits’’, sont débités, chantournés et déversés, à la forme voulue des bordés et du navire, coque droite ou tulipée.
Les bordés de fonds sont débités.
Ils ont une largeur moyenne de 180 mm. et une épaisseur de 18 à 20 mm. 
Les premiers bordés débités, tracés et installés sont les deux galbords situés de part et d’autre de la quille.
Les extrémités sont ployées dans les râblures des pièces d’étrave et d’étambot. 
Les autres bordés de fonds, appelés virures et fermures, sont intercalés.
Les virures sont posées en laissant les espaces symétriques et parallèles entre les galbords et les premières virures et ainsi de suite jusqu’aux quilles d’angles. 
Ces espaces sont laissés afin de pouvoir accéder et appliquer les membrures ployées dans les fonds.
Après la pose des membrures, les fermures sont tracées et insérées en force entre les virures.
Les bordés de fonds sont posés à francs-bords (à angles droits) avec un léger chanfrein prévu pour le calfatage.
Les bordés de murailles sont débités, tracés, ajustés et installés des quilles d’angles jusqu’au livet de pont.
Les extrémités sont ajustées et encastrées dans les râblures.
Leurs liaisons sont effectuées par des feuillures rivetées entre chaque maille (espace entre chaque membrure)    
L’ensemble des bordés est fixé par des chapelets (petites pièces de bois percées avec une pointe ou vis en leurs centres) sur les couples provisoires installés initialement.

Les membrures sont débitées dans les billes d’acacia vert, rabotées et chanfreinées.
L’emplacement des membrures est défini sur la coque (espaces moyens 180 mm.).
Des perçages sont effectués à l’emplacement de chaque pointe en cuivre et les pointes sont piquées dans les perçages, prêtes à être enfoncées au moment du pliage.
Les membrures sont bouillies à la vapeur, à chaud.
Elles sont positionnées et ployées dans la coque, fixées au travers des bordés manquants dans les fonds (fermures), clouées dans les quilles d’angles et clouées avec les pointes en cuivre initialement préparées sur les bordés.   
L’ensemble des membrures est riveté à l’aide de coquilles en cuivre enfoncées à l’aide d’une bouterolle.
Les pointes sont rivetées au marteau et maintenues à l’aide d’un contre coup appelé clarinette
Les singles et cornes d’étrave en chêne, chantourné et ployé, à la forme de la tonture sont débitées, tracées, ajustées et posées.
Leurs entures sont en ‘’trait de Jupiter’’, fuyant de l’avant vers l’arrière.
Elles sont fixées sur les bordés par un clouage intérieur en quinconce face à chaque maille. 
Les varangues peuvent être tracées, débitées, ajustées et posées entre chaque membrure ou sur chacune d’elle selon le choix et le principe du constructeur.
Ces varangues sont clouées en « pomme » sur le chapeau de quille, rivetées sur les quilles d’angles.
Les bordés de fonds sont cloués à raison de trois à quatre pointes par bordés.
Des anguilliers sont aménagés de part et d’autre du chapeau de quille pour permettre le passage de l’eau et de salissures dans les fonds.
Les gabarits en bois brut sont démontés.
Les trous de pointes laissées par l’application des chapelets sont rebouchés par des épites (chevilles en bois conique de quelques centimètres taillées dans le fil du bois) 
En finition extérieure, la coque est rabotée.
Les bordés de fonds, râblures et joints de quilles d’angles sont calfatés.
L’ensemble est poncé, apprêté, mastiqué et peint.
L’étrave est protégée par une bande-môle en acier galvanisé ou en bronze.  
Des serres bauquières sont chantournées et positionnées sur le tiers supérieur des bordés de murailles en application sur les membrures.
La structure du pont en chêne est constituée de barrots transversaux à l’avant et à l’arrière.
Des barrottins sont positionnés sur les plats-bords en application sur des élongis.
Leurs assemblages sur les hauts de bordés et singles, ainsi que sur les élongis, est effectué en forme de demi-queues d’arondes en sifflets.
L’assemblage est consolidé par une ou deux pointes.
Les plats-bords d’environ 150 mm. sont chantournés, en application sur les singles, les hauts de bordés, les barrots.
L’ensemble est cloué et relié.  
Les lames de pont sont débitées, chanfreinées, bouillies à la vapeur et installées en étant ployées parallèlement aux plats-bords et aboutissent contre les étambrais sur la plage avant et arrière.
Les plats-bords sont parallèles sur toute la longueur, ce qui évite des finitions en sifflets contre les hiloires de cabine et de cockpit.
La fixation est effectuée par un clouage en pomme inséré dans les chanfreins de calfatages.
Des cale-pieds sont installés sur tribord et bâbord, ainsi qu’un liston en demi-rond d’acacia sur tout le pourtour.
Les hiloires de cabine et de cockpit sont fixées en application sur les élongis et barrots.
Les hiloires de cabine peuvent être indépendantes de celles du cockpit, ce qui permet de pouvoir débarquer la cabine pour accès au moteur et acquérir la facilité de manœuvres pour certains types de pêches qui se pratiquaient à l’époque.   
Le toit de cabine est en lames de pin bouvetées, entoilées de tissu de lin enduit de blanc de zinc.
Les lames sont posées et fixées sur des barrots en chêne en forme d’anses de paniers, lesquelles sont fixées sur des élongis de toit à plaquer contre les hiloires.
Les cloisons de cabine et de coquerons sont en lames de bois de pin bouvetées, fixées sur les barrots et appliquées sur les varangues correspondantes ou supports tillacs.
Les portes de cabine sont en menuiserie, sur charnières, et généralement équipées de persiennes.
Les planchers sont constitués de planches de pin reliées sur des traverses et fixées par des pointes coudées.
Des parties fixes sont installées sur tout le pourtour à la forme des bordés et la découpe des membrures, intitulées ‘’dormants’’.
Les supports de planchers en pin sont en appui sur les varangues par des entretoises entaillées à mi-bois et clouées.    

Conclusions


Le principe de construction légère de ces navires locaux ‘’PINASSES’’ ou ‘’BACS’’ nécessite une grande vigilance dans l’entretien et le principe de réparations.
Les contraintes engendrées par la compression des bordés de fonds et de murailles en hydratation ou vieillissement génèrent des affaiblissements et ruptures de liaisons des quilles d’angles sur les structures perpendiculaires.
Il est fréquent de constater des déliaisons dans les bouchains ou cassures de membrures dans les pliures de quilles d’angles, engendrées par des principes de réparations ou d’entretien non conformes aux règles de l’art.
L’homogénéité du plan de pont et les singles a une grande importance dans la tenue de la structure du navire.
Les coques subissent des contraintes de vrillages en cours de navigation, dues à la longueur, l’étroitesse ou la hauteur des bordés.  
En cours d’hivernage, il est important que la quille soit calée sur toute sa longueur ainsi que les bouchains.
Au printemps, les bateaux en bois doivent être hydratés ou mis à l’eau dès l’apparition des bourgeons sur les arbres.
La structure des navires en bois, même les plus anciens, travaille en corrélation avec la nature.

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